Les capteurs de lumière invisible
Voir l’invisible
Les lunettes astronomiques et les télescopes servent à collecter et étudier la lumière visible. Riche en information, ce type de lumière occupe pourtant une portion infime du spectre électromagnétique. Pour accéder au reste du spectre, qui est composé de couleurs invisibles, les chercheurs doivent utiliser des collecteurs capables de détecter les longueurs d’onde de la lumière qu’ils désirent étudier.
Pour le domaine de l’infrarouge, le miroir parabolique d’un télescope demeure le dispositif idéal pour collecter et concentrer les rayons lumineux. Cependant, comme la lumière recueillie est invisible, on remplace l’observateur par un détecteur infrarouge que l’on dispose au foyer du miroir. Son objectif est de mesurer l’intensité des rayons lumineux.
La technique fonctionne très bien pour les ondes infrarouges de courtes longueurs d’onde (on parle alors d’« infrarouge proche », parce que proche de la lumière rouge), c’est-à-dire jusqu’à environ 2,5 micromètres. Malheureusement, au-delà de cette longueur d’onde (dans l’infrarouge moyen et lointain), la situation se complique considérablement.
Le télescope collecte en effet beaucoup de lumière infrarouge indésirable provenant de l’atmosphère, de l’observateur ou du télescope lui-même; la raison étant qu’autour de 20 °C, les objets émettent de la lumière dans cette région du spectre. De plus, la vapeur d’eau atmosphérique absorbe une grande partie des rayons infrarouges provenant de l’espace, ce qui rend la collecte des données difficile, voire impossible à certaines longueurs d’onde.
Pour pallier ces problèmes, les détecteurs sont refroidis à très basse température (parfois jusqu’à -269 °C) et on dispose les télescopes en altitude, le plus haut possible dans l’atmosphère, là où l’air est sec. Une autre solution consiste à les mettre dans l’espace, en orbite autour de la Terre.
L’intérêt d’observer l’Univers dans l’infrarouge tient en grande partie à son pouvoir pénétrant. Les ondes infrarouges sont en effet capables de passer au travers de la poussière, ce qui nous permet de voir des régions qui seraient autrement inaccessibles, comme l’intérieur des nébuleuses.
À des longueurs d’ondes plus grandes, dans le domaine des micro-ondes, le problème d’absorption par l’eau est toujours présent et l’observation en altitude et à partir de satellites demeurent les meilleures solutions. Néanmoins, il y a un avantage technique à travailler avec les micro-ondes : leurs longueurs d’ondes sont suffisamment grandes pour utiliser un collecteur parabolique fait de métal et non de verre.
En effet, pour que les rayons lumineux se concentrent en un seul point au foyer, la taille des irrégularités de courbure du collecteur parabolique doit être plus petite que la longueur d’onde de la lumière observée. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’utiliser une surface réfléchissante polie de façon très précise, comme un miroir; une simple soucoupe de métal suffit.
Les micro-ondes sont très étudiées en astronomie. Le rayonnement de fond cosmologique, cette lumière fantastique émise quelques centaines de milliers d’années après la naissance de l’Univers, est un rayonnement micro-onde.
Pour les longueurs d’ondes encore plus grandes et moins énergétiques que les micro-ondes, dans le domaine des ondes radio, l’utilisation de grandes soucoupes de métal, ou radiotélescopes, est courante. L’atmosphère terrestre laisse pénétrer facilement la lumière radio aux longueurs d’ondes allant de 1 centimètre (le début des ondes radio) à 10 mètres, même par temps nuageux, ce qui permet l’observation astronomique. Au-delà de 10 mètres, les ondes sont de nouveau absorbées. Dans l’espace, les ondes radio sont produites dans les restes de supernovae et par des électrons traversant les champs magnétiques des lointaines radiogalaxies.
Pour les longueurs d’ondes plus petites que la lumière visible, c’est-à-dire les rayons ultraviolets, l’usage de télescopes optiques est permis. Malheureusement (mais heureusement pour nous), la plus grande partie de cette lumière est absorbée par la couche d’ozone. Il est donc nécessaire de faire appel à des satellites d’observation. Les étoiles les plus chaudes émettent l’essentiel de leur énergie dans l’ultraviolet.
Aux longueurs d’ondes encore plus petites et plus énergétiques, dans le domaine des rayons X et gamma, on doit également utiliser des satellites. Cependant, ces rayons sont si énergétiques qu’ils passent facilement au travers des miroirs; on doit donc utiliser des collecteurs spéciaux pour les détecter. Les rayons X sont typiquement émis par les gaz très chauds qu’on trouve entre les galaxies et près des trous noirs. Quant aux rayons gamma, on les retrouve, entre autres, au voisinage des explosions de supernovae.