Des codes dans la lumière
La naissance de la spectroscopie
En 1801, le physicien Thomas Young démontre clairement que la lumière se propage comme une onde, c'est-à-dire un peu comme une succession de vagues et de creux à la surface de l'eau. L'idée n'est pourtant pas nouvelle puisque le physicien hollandais Christiaan Huygens l'avait proposée à l'époque de Newton. Cependant, Young observe les motifs créés par le passage d'un faisceau lumineux à travers des fentes et, grâce à cette expérience, il parvient à convaincre la communauté scientifique de son époque de la nature ondulatoire de la lumière.
Fait étonnant, Young arrive même à mesurer la longueur d'onde des lumières rouge et violette, c'est-à-dire la distance entre deux crêtes ou deux creux de vagues successifs. Pour la lumière rouge, il obtient 7 millièmes de millimètres et pour la violette, 4 millièmes de millimètres. De ces mesures et à la lueur des travaux de Newton, il apparaît donc que la lumière de grande longueur d'onde est moins déviée que celle de courte longueur d'onde.
À la même époque, vers 1802, le chimiste britannique William Hyde Wollaston remarque un fait surprenant : le spectre de la lumière solaire n'est pas continu. En effet, de nombreuses raies noires entrecoupent les couleurs du spectre. Malheureusement, il n'y porte pas une grande attention et aucune tentative n'est avancée pour expliquer leur présence.
Quelques années plus tard, en 1814, l'opticien allemand Josef von Fraunhofer remarque les mêmes raies noires dans le spectre de la lumière solaire. Ignorant leur signification, il se met quant même à mesurer leurs positions et en catalogue 324.
En 1859, le chimiste allemand Robert Wilhelm Bunsen (qui améliora et popularisa le brûleur qui porte son nom) utilise un moyen d'analyse plutôt original : il introduit des sels minéraux dans la flamme de son brûleur et observe les couleurs générées par le gaz produit. Il parvient ainsi à déduire si un constituant est présent ou non dans un minéral en observant la couleur qui, selon lui, le caractérise.
Gustav Robert Kirchhoff, un physicien allemand et ami de Bunsen, propose plutôt de disperser la lumière produite par le gaz avec un prisme de façon à générer un spectre. Les deux chercheurs font alors une découverte majeure : ils constatent que chaque élément chimique génère une série de raies spectrales qui le caractérise de façon unique, comme une empreinte digitale.
Une nouvelle technique analytique, la spectroscopie, vient ainsi d'être inventée et, grâce à elle, plusieurs nouveaux éléments chimiques sont découverts dans les années qui suivent.
S'intéressant alors au spectre de la lumière solaire, Kirchhoff constate que les raies noires de Fraunhofer correspondent exactement à des raies brillantes émises par certains éléments chimiques. Il comprend alors que la lumière blanche produite depuis la surface chaude du Soleil est en partie absorbée par certains éléments chimiques présents dans son atmosphère qui elle, est plus froide, ce qui génère les raies noires.
Poussant plus loin ses recherches, Kirchhoff déduit qu'il existe trois types de spectres :
Grâce à ces découvertes, Kirchhoff ouvre toutes grandes les portes de la spectroscopie à l'astronomie. Pour leur plus grand bonheur, les astronomes sont désormais capables de connaître la composition chimique des étoiles et des nébuleuses et même, en mesurant l'intensité des différentes raies spectrales et en employant quelques notions de physique, d'en déterminer la température, la distance, la vitesse et l'âge. Ainsi, la lumière nous permet donc en quelque sorte de " toucher aux étoiles ", chose que plusieurs pensaient impossible compte tenu des distances qui nous en séparent.
Un problème demeure cependant sans réponse pour Kirchhoff : il n'arrive pas à expliquer comment la matière peut émettre ou absorber de la lumière. D'autres chercheurs parviendront à résoudre l'énigme une cinquantaine d'années plus tard.