Les interféromètres
Faire interagir les rayons lumineux ensemble pour augmenter la résolution des télescopes
En 1801, le physicien britannique Thomas Young démontre que la lumière se propage sous la forme d’ondes, comme des vagues à la surface de l’eau. À partir de ce moment, Young comprend que si deux ondes lumineuses se rencontrent, elles interagiront (les scientifiques diraient « interféreront ») l’une avec l’autre.
En 1867, le physicien français Armand Hippolyte Louis Fizeau propose d’augmenter la résolution des télescopes en tirant profit du fait que les signaux lumineux collectés peuvent interférer les uns avec les autres et se renforcer. Malheureusement, la technologie de l’époque ne lui permet pas de construire un instrument capable de faire interférer les rayons de lumière à la sortie d’un télescope.
Il faut attendre en 1891 pour voir l’arrivée d’un tel instrument : l’interféromètre.
Construit par le physicien américain Albert Abraham Michelson, il est utilisé pour déterminer le diamètre des satellites de Jupiter.
Lors des soixante années suivantes, les travaux en interférométrie seront d’ailleurs surtout consacrés à des travaux de précision du même genre, comme la mesure du diamètre d’une étoile ou la détermination de la distance séparant une étoile double de sa compagne.
En 1920, l’astronome américain John August Anderson effectue les premières mesures interférométriques sur un objet situé hors de notre système solaire. Il détermine alors l’orbite de l’étoile double Bételgeuse (Alpha Orionis). La même année, les astronomes américains Albert Abraham Michelson et Francis Gladheim Pease sont les premiers à mesurer avec un interféromètre le diamètre d’une étoile autre que le Soleil; il s’agit, là encore, de l’étoile géante Bételgeuse.
En 1946, le radioastronome britannique Martin Ryle aidé du physicien Derek D. Vonberg construit le premier interféromètre opérant dans le domaine des ondes radio. Grâce à cette percée, ils découvrent plusieurs nouveaux objets célestes.
En 1956, les physiciens et astronomes britanniques Robert Hanbury Brown et Richard Quintin Twiss mettent au point le premier interféromètre utilisant des télescopes séparés. Opérant dans le visible, leur instrument est testé sur plusieurs types d’étoiles et les images obtenues sont d’une finesse inégalée.
La finesse des détails visibles dans une image est limitée par la diffraction des ondes lumineuses par l’objectif du télescope. Plus l’objectif est grand, moins les ondes sont diffractées et plus fine est l’image. Malheureusement, il est difficile de concevoir des objectifs faisant plusieurs dizaines de mètres. C’est pourquoi l’interféromètre de Robert Hanbury Brown et Richard Quintin Twiss utilise des télescopes séparés : ceux-ci simulent un grand télescope, le problème causé par la diffraction est alors minimisé et la finesse des images s’en trouve améliorée.
À la fin des années 60 et au début des années 70, l’arrivée d’ordinateurs plus puissants rend l’interférométrie de plus en plus accessible aux chercheurs.
Ainsi, en 1967, une équipe de neuf chercheurs canadiens, dirigée par l’astronome J. L. (Allen) Yen de l’Université de Toronto, utilise conjointement le radiotélescope de 46 mètres de Observatoire Algonguin de Radioastronomie et le radiotélescope de 26 mètres de l’Observatoire Fédéral de Radioastrophysique de Penticton, en Colombie-Britanique, pour simuler un radiotélescope géant de 3074 kilomètres (soit la distance séparant les deux observatoires). Il s’agit de la première expérience réussie d'interférométrie à très grande séparation jamais réalisée.
En 1974, sous la direction du physicien américain (et futur prix Nobel) Charles Hard Townes de l’Université de Californie à Berkeley, les étudiants Michael Allan Johnson, Albert L. Betz et Edmund Charles Sutton construisent le premier interféromètre sensible à l’infrarouge.
La même année, l’astronome français Antoine Émile Henry Labeyrie met au point le premier interféromètre fonctionnant en temps réel. Auparavant, les données radiométriques étaient enregistrées sur un ruban magnétique et envoyées dans un laboratoire pour être traitées.
Aujourd’hui, des images à très haute résolution sont obtenues à l’aide d’interféromètres. Les objets célestes locaux ont le plus grand potentiel scientifique et constituent les meilleures cibles.