Les plaques photographiques
Mémoriser la lumière
Très tôt dans l’Histoire, les astronomes ont eu recours au dessin pour enregistrer leurs observations sur papier. La méthode n’était pas parfaite et laissait évidemment place à des erreurs sans compter le manque de détails que comportaient les illustrations. Aussi, l’invention de la photographie, un procédé permettant de transférer les images sur papier, est vite apparue comme une solution. Les astronomes l’adoptèrent pratiquement dès sa création.
Son principe repose sur l’utilisation de produits chimiques sensibles à la lumière, comme les sels d’argent. Ceux-ci sont dispersés dans une gélatine pour former un mélange appelé une émulsion. Lorsque l’émulsion est exposée à la lumière, les cristaux de sels d’argent réagissent et deviennent, selon leur degré d’exposition aux rayons lumineux, plus ou moins opaques. Le résultat est alors une image.
En 1793, l’inventeur français Joseph Nicéphore Niépce commence à réfléchir à un procédé qui garderait en mémoire la lumière. Il débute ses expériences en 1814 et parvient à fixer sur papier des images à partir de 1816. En 1822, il réussit la première photo permanente en utilisant une feuille d’étain polie enduite de bitume de Judée (une sorte de goudron). Le plus vieux cliché qui subsiste encore date de 1825; il s’agit de la photo noir et blanc d’une gravure représentant un garçon tirant un cheval.
Ignorant tout des avancées faites par Niépce, le scientifique britannique William Henry Fox Talbot entreprend de son coté des expériences en 1834 et arrive à impressionner sur papier des images en 1835. Son procédé devient connu en 1839 et il obtient un brevet en 1841. Malheureusement, sa méthode est dangereuse et emploie des produits toxiques. De plus, les images ont tendance à noircir avec le temps.
L’inventeur français Hippolyte Bayard aurait, quant à lui, débuté ses expériences sur papier avant 1836, mais on sait de façon certaine qu’il réussit en 1839. Sa méthode ne sera toutefois connue qu’en 1840. De toutes les techniques mises au point avant 1841, c’est elle qui a produit les images les plus belles et les plus détaillées.
En 1838, après avoir poursuivi les travaux de Niépce auquel il s’était associé, le peintre et inventeur français Louis Jacques Mandé Daguerre prend une image (qu’il nomme un « daguerréotype ») de la Lune à la demande de l’astronome français Dominique François Jean Arago. Sa technique, qui consiste à fixer les images sur des plaques de cuivre enduites d’argent, devient connue en 1839. Elle sera la méthode la plus utilisée à partir de 1840.
L’astronome allemand Johann Heinrich von Mädler invente en 1839 le mot « photographie » du grec « photo » (qui veut dire lumière) et « graphie » (qui veut dire écrire). Le mot sera immédiatement popularisé par l’astronome britannique John Frederick William Herschel auquel on attribue souvent, à tort, l’invention du mot.
En 1840, le médecin et chimiste américain John William Draper réalise un daguerréotype de la Lune; c’est la première photographie astronomique réalisée en Amérique du Nord.
Le Soleil est photographié pour la première fois en 1842 par l’opticien français Noël Marie Paymal Lerebours, mais aucun détail n’est visible. Il faut attendre en 1844 pour voir la première photographie détaillée du Soleil. Prise par les physiciens français Jean Bernard Léon Foucault et Armand Hippolyte Louis Fizeau, on y voit des taches solaires.
En 1850, l’astronome américain William Cranch Bond et le photographe John Adams Whipple réalisent un daguerréotype de Véga (connue aussi sous le nom d’Alpha Lyrae); c’est la première photographie jamais réalisée d’une étoile.
Toujours en 1850, l’inventeur anglais Frederick Scott Archer invente le procédé au collodion humide. Le collodion est un liquide visqueux qu’Archer utilise pour enduire des plaques de verre. En produisant le négatif photographique sur du verre plutôt que sur du papier, les images créées sont beaucoup plus fines et peuvent être très grandes, d’où leur intérêt pour l’astronomie.
Archer publie sa technique en 1851 et les plaques photographiques sont rapidement adoptées par les astronomes. Ainsi, en 1857, l’Américain George Phillips Bond est le premier à photographier une étoile double (Mizar et Alcor) à l’aide du procédé.
En 1879, l’inventeur américain George Eastman, qui fondera la compagnie Eastman-Kodak en 1892, construit une machine enduisant les plaques photographiques d’émulsion (ce qui permet de les produire en grand nombre).
Au cours des premières décennies des années 1900, la compagnie d’Eastman s’associe à plusieurs observatoires astronomiques et développe des émulsions de plus en plus sensibles. Les plaques photographiques deviennent alors le médium par excellence du vingtième siècle.
Alors que l’œil ne peut faire que des «instantanés», les plaques photographiques ont l’avantage de mémoriser objectivement la lumière de millions d’étoiles et de galaxies. Elles peuvent également accumuler la lumière pendant plusieurs heures, dévoilant ainsi des images d’une richesse bien plus grande.
Entre les années 1960 et 1980, l’astrophotographie connaît son âge d’or. Grâce à des filtres de couleur, les images produites par les plaques photographiques sont souvent reproduites en couleurs et l’intérêt du grand public pour l’astronomie s’en trouve rehaussé.